Polar sur Meurthe

LE GANG DU 9 A ENCORE FRAPPÉ

Plaidoirie vagabonde

Déjà en 1990, les libraires du Neuf avaient porté l’idée et la création d’un salon du livre intégré au tout jeune Festival international de géographie de Saint-Dié. Ils récidivent 35 ans plus tard avec Polar-sur-Meurthe, festival du livre policier.

Le thème de cette première édition, les faits-divers, plus qu’une plongée dans la rubrique police/justice des médias, déballe une infinité de réflexions et bavardages, sur ce qu’on est et fait, observant avec gourmandise un monde glauque ou assénant coup de poing, coup de poignard ou coup de pétard.

A coup sûr, l’imaginaire nourrit la réalité, et vice-versa. Au point que nous distinguons parfois mal le roman du récit vrai d’un journaliste ou d’un expert du crime vidant son sac. La plume est une arme et ce festival réunit toute la clique des porte-flingue, romanciers, flics, journalistes et magistrats.

Ils racontent les aventures de leur stylo, objet contondant frappant les esprits. Ils célèbrent le genre fait-divers, longtemps rangé dans le sous-journalisme ou la littérature populo. Le fait-divers décrit en fait, et décrypte, tout un monde, celui d’une ville, d’un arrondissement, d’un compartiment, d’un parking, d’une époque, d’une guerre, de l’arrière-salle d’un boui-boui miteux ou du boudoir bourgeois où l’on tue par ennui.

Ils dressent les portraits de criminels, les monstrueux, les sales types, les belles gueules, les méticuleux, les brouillons, les fascinants. Et souvent, dessinent l’épreuve des victimes et des familles, condamnées à perpet’, à l’abandon, à l’oubli, voire au doute.

J’ai un jour commis le crime de trouver trop pépères les professionnels du tourisme et historiens des villes, ne tartinant et wikipédiant que ce qui brille. Ici, à Saint-Dié, vous êtes priés de présenter vos hommages aux fringants déodatiens, les savants du Gymnase vosgien baptisant l’Amérique, les écrivains Émile Erckmann ou Jacques Brenner, le père de l’École publique Jules Ferry, le fondateur de l’Ifop Jean Stoetzel, l’éditrice et compagne de Clemenceau, Marguerite Baldensperger, la poétesse Claire Goll ou le génie du ballon rond Kalidou Koulibaly.

Et les criminels ? Il y en eut de sacrés, complices ou pivots du forfait, parmi lesquels l’assassin de René Bousquet, chef de la police de Vichy, Christian Didier, que l’on résuma un peu vite à un dingue. Ne portent-ils pas aussi l’histoire d’une ville ?

Voilà donc ce festival du polar, qui de débats en dédicaces, de confrontations en audiences cinéma et traques ludiques, gratte là où ça démange.

Vianney Huguenot
Journaliste et éditorialiste